Aéro-News (Airbus sous l’œil de mire de la justice américaine) – Le titre du constructeur aéronautique européen « AIRBUS » perdait 4.4% à la cloture de la Bourse de Paris, après être tombé à un plus bas de 78,83 euros en fin de matinée, et accusait la plus forte baisse de l’indice CAC 40 (-1,64%).
Airbus faisait l’objet d’enquêtes anticorruption à Londres et à Paris, sur sa façon de recourir à des intermédiaires pour ses ventes d’avions de ligne, une pratique qui n’a plus cours depuis 2014 selon ses dirigeants, et pour une fraude présumée lors d’un contrat d’avions de combat Eurofighter.
Selon Le Monde, il est aussi désormais dans le viseur de la Justice américaine, qui aurait officiellement engagé des investigations fin 2017. Le quotidien écrit que “l’entreprise pourrait devoir payer une amende de plusieurs milliards de dollars ou, catastrophe ultime, être condamnée au pénal”.
Le département américain de la Justice n’était pas disponible dans l’immédiat pour un commentaire.
Airbus a rappelé qu’il coopérait déjà avec les enquêteurs britanniques et français dans le cadre de procédures déclenchées en 2016 par son propre audit interne.
CHAMBOULE-TOUT MANAGÉRIAL
Dans une déclaration, le groupe dit avoir précédemment révélé que les autorités américaines avaient demandé des informations sur le dossier. “Ici aussi, Airbus coopère avec les autorités américaines en étroite coordination avec le SFO (Serious Fraud Office, britannique) et le PNF (Parquet national financier, français)”, a-t-il ajouté.
Au Royaume-Uni, le Serious Fraud Office (SFO) est chargé de la lutte contre les délits et crimes économiques. Il a ouvert à l’été 2016 une enquête sur des soupçons d’irrégularités concernant le recours à des consultants pour la vente d’avions Airbus à l’export.
En mars 2017, le groupe avait signalé avoir été informé de l’ouverture d’une enquête préliminaire en France par le PNF en lien avec l’enquête du SFO.
Airbus est dans une phase de réorganisation de sa direction pilotée par son conseil d’administration, un chamboule-tout destiné à démontrer sa bonne volonté dans l’espoir d’un règlement à l’amiable.
Au coeur du dossier, un système d’agents datant de plusieurs décennies, géré par une unité du siège maintenant dissoute, qui comptait environ 250 agents répartis dans le monde entier et se traduisait par plusieurs centaines de millions d’euros d’honoraires par an, selon des personnes au fait de la question.
Reuters avait rapporté en octobre que le conseil d’administration d’Airbus avait choisi de hâter le départ du directeur financier Harald Wilhelm – ce qui avait provoqué la démission surprise de celui-ci -, tout en reconnaissant qu’il avait été à l’origine de l’audit interne et de l’arrêt de la pratique des intermédiaires.
Selon des personnes au fait du dossier, le remaniement managérial, qui a touché les plus hauts rangs de l’entreprise, conjugué à une vague de départs à la retraite, a entraîné un renouvellement à la rapidité inédite.
D’autres ont été incités à partir, ce qui a suscité des débats pour savoir qui devrait assumer la responsabilité du système, ont déclaré plusieurs sources proches du dossier.
FRUSTRATION US
Airbus avait déclaré en février qu’il avait été prié de fournir aux autorités américaines des informations dans le cadre d’une enquête en France et en Grande-Bretagne sur son recours à des intermédiaires, informations susceptibles d’entraîner les Etats-Unis à se joindre aux investigations.
Dans un dossier séparé, Airbus avait signalé au département d’Etat américain des inexactitudes dans des demandes de licences d’exportation d’équipements militaires déposées auprès des régulateurs américains, liées à la déclaration de commissions pour transactions.
Selon des personnes au fait du sujet, la progression du dossier a été ralentie par la réglementation française limitant la capacité des agences étrangères à collecter des informations ou d’interroger directement des ressortissants français.
Selon plusieurs sources, les autorités américaines avaient manifesté leur frustration et pris des mesures pour rappeler à leurs partenaires européens leur intérêt pour l’affaire.
Dominique Rodriguez pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot