Aéro-News – Les 15 jours de grève d’Air France ont coûté plus de 300 millions d’Euros à l’entreprise et n’ont débouché sur aucun accord. En effet , à l’issue de la réunion de ce mardi 8 amai 2018, les syndicats n’ont pas annoncé de nouveau préavis.
Alors que la compagnie a connu ce mardi son quinzième jour de grève en dix semaines, il aura fallu deux réunions, lundi soir et mardi matin aux représentants de l’intersyndicale pour accoucher d’une « lettre ouverte à la direction » , qui ne met pas formellement fin à la grève, sans pour autant la prolonger.
Cette lettre ouverte demande à la direction de « revenir dans les prochains jours à la table des négociations ». Sa lettre ouverte rappelle que « malgré une campagne de communication interne et externe honteusement anxiogène », 55% des 46 585 salariés d’Air France consultés « ont finalement rejeté votre proposition. Nous saluons ici l’esprit d’indépendance de nos collègues et les remercions pour la confiance qu’ils nous ont renouvelée à travers ce vote ». Après les pilotes, consultés au mois de février, l’ensemble des salariés d’AF a « confirmé que le rattrapage des années de blocage de leurs grilles est une nécessité. Ils ont également compris que ce rattrapage n’est pas de nature à mettre en danger le développement de leur entreprise ». Pour les syndicats, le départ précipité de M. Janaillac, « conséquence d’un chantage à la démission, n’a jamais été demandé par les organisations syndicales et ne règle en rien la problématique soulevée. L’expression des salariés, en forme de désaveu de la politique sociale menée, doit maintenant être entendue ». La direction « doit renouer le dialogueavec la conviction que seul un accord avec vos représentants pourra mettre fin à ce conflit » ; elle « doit maintenant entendre les revendications d’une majorité de salariés », pour qui « le conflit est toujours en cours ».
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Le président démissionnaire Jean-Marc Janaillac est sorti de son silence pour critiquer vertement les accusations du SNPL d’un pilotage de la crise par le gouvernement.
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Les passagers de la compagnie nationale française peuvent souffler, en tout cas jusqu’au 15 mai 2018 quand le Conseil d’administration nommera le successeur de Jean-Marc Janaillac, démissionnaire de ses postes de président d’Air France et PDG du groupe Air France-KLM.
Négociations et désorientations stratégiques du Groupe
Rappelons que le SNPL avait dénoncé dimanche dans un tract « la responsabilité du gouvernement dans ce conflit », un élément « toujours soigneusement masqué par la communication de la direction » : le syndicat majoritaire chez les pilotes « sait parfaitement que le véritable décisionnaire depuis le début de ce conflit reste l’Etat, notre DRH prenant directement ses ordres auprès de lui. Nous avons donc toujours un interlocuteur pour négocier ». Ce qui a fait sortir de ses gonds Jean-Marc Janaillac, dont la lettre a été publiée in extenso dans La Tribune : « depuis le début du conflit, en cohérence avec la ligne de conduite que j’ai fixée à mon arrivée, j’ai choisi de ne pas commenter les prises de parole des représentants de vos syndicats. Mais dans les circonstances présentes, je ne peux laisser passer certaines affirmations. En effet, le dernier tract du bureau du SNPL du 6 mai, intitulé « bilan des 3 et 4 mai et perspectives », m’a une fois de plus stupéfié. Je ne reviendrai pas sur la déformation, pour ne pas dire la désinformation, des chiffres de grévistes, les chiffres sont disponibles, ni sur les affirmations qui laissent entendre qu’Air France-KLM serait « une entreprise parfaitement saine économiquement et (…) capable d’assumer à la fois les pertes associées à ce conflit et le rattrapage de l’inflation ». En revanche, je me dois de réagir face à l’idée que le Gouvernement serait le réel dirigeant d’Air France, son Président n’étant qu’une « marionnette« , et son DRH l’exécuteur des directives de l’Etat. Comment ne pas être consterné devant cette vision ridicule, et insultante pour moi, qui témoigne avant tout d’une totale méconnaissance du fonctionnement de notre compagnie ? »
« Non, en juin 2016 ce n’est pas l’Etat qui m’a « ordonné » de proposer un gel des mesures et un arrêt de la grève en attendant de définir une stratégie. C’était déjà une décision personnelle, prise sans que l’Etat n’ait été consulté. Il n’y a eu d’ailleurs aucune négociation, ni protocole de sortie : c’était une proposition unilatérale à prendre ou à laisser. Non, le 20 avril 2018, ce n’est pas l’Etat qui m’a demandé de lancer une consultation de l’ensemble des salariés d’Air France sur le projet d’accord salarial. C’est une décision que j’ai prise, parce qu’elle me semblait la seule voie pour mettre fin au conflit en cours, et dont j’assume pleinement les conséquences, comme je l’avais annoncé. Non, ce n’est pas l’Etat qui définit ni la stratégie ni les actions du Groupe Air France-KLM. Il est un actionnaire important, mais minoritaire, et de nombreuses décisions ont été prises contre son avis ».
« La compagnie et ses pilotes ont beaucoup plus d’intérêts communs que certains n’aiment à le dire, dont celui, évident, de s’accorder sur des compromis équilibrés. C’est ce que la Direction Générale d’Air France a recherché inlassablement depuis le premier jour, tendant la main à de multiples reprises à vos représentants, organisant des réunions pendant lesquelles la direction les a attendus, subissant les interruptions de séance à répétition, les monologues et les invectives, et constatant, avec un profond regret, l’absence d’ouverture et la volonté délibérée de créer une situation de blocage. C’est ce qui nous a conduits à l’impasse d’aujourd’hui, et à ce gâchis que nous regrettons tous. Il vous appartiendra, lorsque cela sera redevenu possible, d’en tirer les enseignements pour obtenir de reconstruire un dialogue social à la hauteur des enjeux qui sont ceux d’Air France après ce conflit destructeur ».
Le SNPL a bien sûr réagi hier, dans un tract intitulé « triste sortie pour un départ » : « loin d’une communication visant à ramener un minimum de sérénité dans une compagnie aujourd’hui déstabilisée par le départ volontaire de son « capitaine » en pleine tempête, c’est un message courroucé et pamphlétaire à l’encontre de notre organisation syndicale que celui-ci a décidé de vous envoyer. À quelques jours de son départ officiel, face à la situation pesante que nous vivons tous actuellement, au nécessaire besoin de nous tourner à nouveau, tous ensemble, vers l’avenir et la recherche de solutions, nous faisons le choix de ne pas répondre à Jean Marc Janaillac ni de nourrir la polémique en nous laissant aller à commenter les quelques paragraphes incendiaires qui composent son courrier ». Le syndicat ne « s’autorise » que deux remarques : « Oui, la compagnie et ses pilotes ont effectivement beaucoup plus d’intérêts communs que certains n’aiment à le dire ou peinent à l’avouer. Oui, nous allons devoir nous accorder dans un avenir proche sur des compromis équilibrés. Mais non, aucune « recherche inlassable depuis le premier jour » n’a permis jusqu’à présent de nous orienter vers la mise en œuvre de ce constat pourtant partagé… ». Il n’est toutefois jamais trop tard selon le SNPL, « et c’est bien avec cette volonté d’équilibre et d’intérêt commun que, dans les jours et semaines qui s’annoncent, nous participerons à chacune des négociations qui nous sera proposée ».
Les quinze jours de grève menés depuis février ont déjà coûté plus de 300 millions d’euros à Air France. Rappelons que sa proposition d’accord portait sur une augmentation générale de 2% en 2018, assortie d’un seuil minimum de 25 euros par mois, et une autre de 5% pour 2019, 2020 et 2021 (1,65% par an), assortie d’un seuil minimum de 40 euros par mois. Les salaires seraient selon la direction augmentés de 12,5% en moyenne sur la période, (comprenant une augmentation générale de 7% pour toutes les catégories de personnel et les augmentations individuelles/GVT) ; mais ce « pacte de croissance » prévoit d’adapter l’augmentation dans le cas où le résultat d’exploitation d’Air France serait inférieur à 200 millions d’euros, et d’appliquer une clause de revoyure en cas d’inflation plus élevée ou de résultat négatif. En face, l’intersyndicale, qui regroupe les trois syndicats de pilotes (SNPL, SPAF, Alter), deux syndicats d’hôtesses de l’air et stewards (SNPNC et UNSA-PNC) et cinq de personnel au sol (CGT, FO, SUD, CFTC et SNGAF), représentant au total 52,6% des voix du personnel, plus l’UNAC, réclame une augmentation générale de 5,1%, avec +3,8% au 1er avril (rattrapage d’inflation 2012-2017) et +1,3% en octobre (inflation prévisionnelle de 2018) ; les représentants des pilotes y ajoutent une augmentation spécifique de 4,7%.